Ce banc en a vu s'asseoir des culs
Siège vermoulu qui a tellement vécu
Vu décuver des dizaines d'ivrognes
Au nez patate et à la rouge trogne
Qu'il pourrait écrire du quartier
Toutes vies s'y étant déroulées
L'histoire des amours d'un soir
Comme celle de nos longs espoirs
Il a entendu des serments avortés
Se souvenant de quelques vérités
Moi j'errais seul, sans aucun but
Sans argent pour aller aux putes
Un soir où j'étais plus fragile
Je m'y suis assis, malhabile
Et devant moi luisait la lune
Reflet dans une flaque brune
Cramant une ou deux gitanes
Le coeur froid, l'âme en panne
Sans amour, je ne suis rien
A peine l'ombre de demain
Parmi tous les hommes, je suis un
Pourtant plus libre au sens commun
Des ténèbres a surgi alors ma destinée
Brutale, glaciale, telle une lame d'acier
Je l'ai reconnu au premier coup d'oeil
Et, fatalement, j'en ai fait mon deuil
Mon âme inutile, enfin, elle a libéré
Vers toi, doucement, je me suis envolé
Sur ce banc, sans amour et sans âge
Sur ce banc, sans regret et sans rage