La paille sèche doucement dans les meules blondes
Est-ce un secret de dire qu'elle se fout du monde ?
Les blés de la saison sont rentrés dans la grange
Reste une odeur de poussière, une senteur étrange
Après le labeur, la chaleur accablante d'un jour si beau
Le vin dans les gosiers secs et rudes a coulé à flots
La mère et son tablier ont regagné le corps de ferme
Le père est déjà saoul, il crie : ta gueule, la ferme
Ils ont l'habitude de toute cette violence, les mioches
De ces coups de sang, ces cris et toutes ces taloches
L'alcool est à cette détresse le seul point d'accroche
Même s'ils s'enferment dans leur carapace, c'est moche
Les enfants se réfugient alors loin de toute cette misère
Lisant "Martine à la ferme", partant pour une autre terre
Où violence verbale et physique n'ont pas le droit de cité
Où l'on rêve tendrement à de douces secondes d'éternité
Puis le père, rougeaud et bouffi, quand il tient encore debout
Arrive alors en ricanant auprès de la fille pour tirer un coup
Et le petit frère ne dit rien, il a peur et pleure beaucoup
Il est des drames, ruraux et familiaux, bien cachés de tous
Ta gueule, la ferme ! Ferme ta gueule !
Les mots claquent dans la bouche de l'aïeul
Le monde tourne avec ses sordides affaires
Un jour, de tout cela, je saurai te soustraire