L'initiation



Il existe différents modes d’initiation, mais l’initiation elle-même inaugure toute démarche ésotérique. On peut affirmer un premier principe : pas d’ésotérisme, sans initiation. L’initiation constitue donc le commencement du pèlerinage intérieur de celui qui sera appelé « initié », quelle que soit la nature de cette initiation, qui correspond d’ailleurs, en quelque sorte, à l’itinéraire futur de l’initié, à sa voie. Ainsi, l’amour peut-il être « l’occasion et le point de départ d’un développement spirituel », et il sera suivi d’une initiation qui conduira l’initié jusqu’à son Paradis terrestre, puis au Paradis céleste. C’est très précisément le cheminement d’un Dante – et d’un Novalis – et c’est ce qui fera écrire à René Guénon dans son Ésotérisme de Dante : « Le but réel de l’initiation, ce n’est pas seulement la restauration de l’« état édénique » qui n’est qu’une étape sur la route qui doit mener bien plus haut, puisque c’est au delà de cette étape que commence le « voyage céleste » ; ce but, c’est la conquête active des états « supra-humains ».

            Confronté aux « initiations » telles qu’elles étaient pratiquées dans les milieux pseudo ésotériques de sa jeunesse parisienne, René Guénon a défini de manière extrêmement rigoureuse les conditions d’une initiation authentique. On sait que cette rigueur lui a fait recevoir une initiation régulière, dans la voie ésotérique de l’Islam – mais aussi que son intransigeance l’a conduit à disqualifier toute autre forme d’initiation occidentale, en particulier au sein du christianisme.

            Quelles sont les conditions de l’initiation ?

            « 1 – la « qualification », constituée par certaines possibilités inhérentes à la nature propre de l’individu, et qui sont la materia prima sur laquelle le travail initiatique devra s’effectuer »

« 2 – la transmission, par le moyen d’un rattachement à une organisation traditionnelle, d’une influence spirituelle donnant à l’être l’« illumination » qui lui permettra d’ordonner et de développer ces possibilités qu’il porte en lui »

« 3 – le travail intérieur par lequel (…) ce développement sera réalisé graduellement, faisant passer l’être, d’échelon en échelon, à travers les différents degrés de la hiérarchie initiatique, pour le conduire au final de la « Délivrance » ou de l’« Identité Suprême » 

            La première condition de l’initiation consiste donc dans une certaine aptitude ou disposition naturelle. C’est de l’existence ou non de ces dispositions que dépend l’initiation. La seconde est le rattachement à une organisation traditionnelle régulière. Sur ce point, on verra que René Guénon n’admet qu’une seule exception. Enfin, l’initiation consiste essentiellement dans la transmission d’une influence spirituelle, qui n’est effective que dans le cas d’une initiation régulière.

L’initié devra « identifier le centre de sa propre individualité [ « représenté par le cœur dans le symbolisme traditionnel » ] avec le centre cosmique de l’état d’existence auquel appartient cette individualité.» Il le fera dans le cadre d’une organisation traditionnelle à laquelle il appartient par son initiation. Car, on ne peut pas s’initier soi-même, ce qui paraît une évidence mais qu’il faut souligner, surtout à notre époque où certains laissent entendre que cela est tout à fait possible (voir en particulier L’Alchimiste de Paulo Coehlo).

A ce sujet, René Guénon reconnaît toutefois qu’il existe des initiations individuelles qui ne passent pas par une initiation régulière, à une condition toutefois – qui est capitale – qui est le rattachement à un centre initiatique. Ainsi, à propos de Jacob Boehme, écrit-il que « même s’il arrive qu’un individu apparemment isolé parvienne à une initiation réelle, cette initiation ne pourra jamais être spontanée qu’en apparence, et que de fait, elle impliquera toujours le rattachement, par un moyen quelconque, à un centre existant effectivement ». Hormis cet exemple bien particulier, on se trouve, pour le reste, dans le cas d’une « pseudo-initiation », typique de ces organisations, nombreuses en des temps de contre-tradition, qui se sont « appropriées le nom de quelque tradition ayant existé à une époque plus ou moins lointaine ». Tel est plus précisément le cas de toutes les organisations « rosicrucienne » ou « gnostique ». Ces propos de René Guénon au sujet de l’Église gnostique sont toujours d’actualité : « Les « néo-gnostiques » n’ont jamais rien reçu par une transmission quelconque, et il ne s’agit que d’un essai de « reconstruction » d’après des documents, d’ailleurs bien fragmentaires qui sont à la portée de tout le monde ».

Dans le même ordre d’idée, il faut dire un mot de ceux qui se présentent comme des maîtres, des gurus, etc. Or, écrit Guénon, « quiconque se présente comme un instructeur spirituel sans se rattacher à une forme traditionnelle déterminée ou sans se conformer aux règles établies par celle-ci ne peut avoir véritablement la qualité qu’il s’attribue ; ce peut être, suivant les cas, un vulgaire imposteur ou un « illusionné », ignorant les conditions réelles de l’Initiation. »

En conclusion, on retiendra qu’à strictement parler l’initiation constitue le point de départ « régulier » de toute voie initiatique, elle signifie le rattachement à une organisation traditionnelle – sauf les rares cas où le rattachement à la Tradition se fait directement. L’initiation inaugure par conséquent la voie ésotérique, autrement dit le cheminement de l’initié vers la Vérité ésotérique. C’est ce qui faisait dire à René Guénon, au sujet de l’ésotérisme islamique, que « l’ésotérisme comprend non seulement la haqîqah – la Vérité ésotérique – mais aussi les moyens destinés à y parvenir ; et l’ensemble de ces moyens est appelé tarîqah, « voie » ou « sentier » conduisant de la shariyah (la loi, l’exotérique) vers la haqîqah. »

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